« That’s my family, Kate, not me »
Au mariage de sa sœur, Michael Corleone (interprété par Al Pacino) raconte à Kay, sa petite amie, comment son père a fait céder l’agent qui avait un contrat d’exclusivité avec Johny Fontane (Al Martino), alias de Sinatra dont les liens avec la mafia sont connus. Il lui a fait une offre qu’il n’a pu refuser. Un revolver sur la tempe il lui a donné le choix entre : signer le contrat avec le style ou avec son sang.
C’est ma famille, Kate. Pas moi.
Voilà ce que déclare Michael à Kay. ll le croit sincèrement. Il est le seul fils Corleone à avoir fait la guerre pour son pays. Le seul à avoir refusé d’entrer dans les affaires familiales. Le seul à vouloir épouser une femme américaine, protestante, extérieure à ce monde. Lui aussi se veut extérieur à ce monde.
Michael ne veut pas devenir son père. Et son père ne veut pas qu’il ait à vivre la vie qu’il a vécu.
Et vous ?
Combien de fois vous êtes-vous dit : « Je ne serai jamais comme ça » ? Combien de fois avez-vous juré de faire différemment ? De ne pas reproduire un schéma ?
Et pourtant, un jour, vous vous êtes surpris. Dans un geste. Une phrase. Une réaction. Vous vous êtes reconnu dans ce que vous vouliez fuir.
Comment en êtes-vous arrivé là ?
Le Ciné-Coaching grâce au miroir qu’est le cinéma révèle nos propres mécanismes. En observant Michael Corleone dans Le Parrain de Francis Ford Coppola, vous pourrez comprendre un engrenage : comment nos premiers choix déterminent les suivants, jusqu’à nous transformer en quelqu’un que nous ne voulions pas devenir.
Premier mauvais choix : épouser quelqu’un qui ne peut pas vous comprendre
La scène : Kay au mariage
Michael présente Kay (Diane Keaton) à sa famille lors du mariage de Connie (Talia Shire, la soeur de Francis Ford Coppola). Tout le monde danse, rit, célèbre. Mais Kay est mal à l’aise. Elle ne comprend pas les codes. Luca Brasi qui répète ce qu’il va dire à Don Corleone (Marlon Brando) devant la porte de son Bureau. Les autres qui font la queue devant la même porte. Johny Fontane qui débarque et chante pour la mariée. Les paparazzis et le FBI devant l’entrée du manoir.
Michael, lui, navigue entre deux mondes, c’est sa dualité. Il traduit, explique, rassure. Il pense qu’il peut comprendre cet univers tout en restant en dehors.
Ce qu’il ne voit pas : Il essaie sincèrement d’être un bon américain. Il a fait son service militaire, cherche à s’intégrer. Kay prolonge cette aspiration. Mais même s’il n’a pas de lien avec les affaires familiales, il a des liens très forts, viscéraux avec tous les membres de la famille. C’est une autre partie de lui. C’est ce qui va le faire basculer, lorsqu’on s’en prendra à eux.
En choisissant Kay, il choisit une femme qui ne pourra ni le comprendre ni l’accepter vraiment. Pour être avec elle, il devra toujours mentir, cacher, compartimenter la part de lui-même qu’elle n’aurait jamais acceptée s’il lui avait montré. Il se construit une prison relationnelle.
Et vous ?
Avez-vous choisi un métier, un conjoint, une vie qui correspondait à l’image que vous vouliez donner plutôt qu’à qui vous êtes vraiment ? Qui ne vous permettait pas de vous montrer vulnérable, comme vous êtes dans toute votre complexité ?
Le problème : pour faire des choix libres, on doit pouvoir être vulnérable et sincère, ce que Michael ne pourra plus être avec Kay. Si vous construisez votre vie autour d’une image plutôt qu’autour de votre vérité, vous vous enfermez. Chaque nouveau choix devra maintenir cette image. Vous ne pourrez plus revenir en arrière.
Deuxième mauvais choix : franchir la ligne rouge pour protéger les siens
La scène : le restaurant
Michael comprend que Sollozzo et McCluskey veulent à nouveau tenter d’éliminer Don Corleone. Michael, considéré comme plus raisonnable que son frère Sonny (James Caan), hors du système, propose de les abattre sous prétexte de négocier une paix entre les clans. Ses frères rient. « Ce n’est pas pour toi, Mike. » Mais Michael insiste. Il a un plan. Il doit le faire pour protéger son père. C’est une question de survie.
Il va au restaurant. Sollozzo et McCluskey sont là. Michael va aux toilettes, récupère le revolver caché, revient, s’assoit. Son cœur bat. Ses mains tremblent légèrement. Puis il tire. Une fois. Deux fois. Les deux hommes s’effondrent. Michael sort calmement sans paniquer.
Ce qu’il ne vient de faire : il vient de franchir une ligne irréversible. Il a du sang sur les mains. Il ne sera JAMAIS plus le Michael d’avant, celui qu’il voulait devenir. Ni l’exil en Sicile, ni même le temps ou son premier mariage ne le purifieront pas. Il ne pourra plus revenir en arrière.
Le premier meurtre crée le précédent pour le second. Le second pour le troisième. La formule Excel s’étend.
Et vous ?
Avez-vous quand avez-vous eu le sentiment de franchir une ligne irréversible ?
Le mécanisme : sur le moment on se justifie. On rationalise. On se dit qu’on reste fondamentalement la même personne, qu’on fait juste « ce qu’il faut ».
Mais certains choix nous transforment. Une fois la ligne franchie, la prochaine est plus facile à franchir. Puis la suivante. Puis on ne voit même plus les lignes.
Michael pensait tuer pour protéger son père. En réalité, il venait de devenir quelqu’un d’autre sans même s’en rendre compte. Quelqu’un capable de tuer. Et cela change tout.
La résonance universelle : Certains choix nous transforment définitivement. On ne revient jamais vraiment en arrière ou presque. Lorsqu’on a conscience d’être sur le point de franchir la ligne, ou lorsque l’on vient de franchir la ligne et qu’on s’en est rendu compte, les choses ne sont pas irréversibles. Nous en parleront plus tard cette semaine lorsque je vous raconterai comment j’ai accompagné un client qui se trouvait dans cette situation.
Troisième choix : allez au-delà de ce que vous refusiez d’être
La scène : le baptême
Al Pacino joue cette scène avec une froideur glaçante. Michael est parrain du fils de Connie. Il répond aux questions du prêtre d’une voix claire, ferme :
Renoncez-vous à Satan ? J’y renonce.
Pendant ce temps, ses hommes éliminent tous ses rivaux. Un par un. Méthodiquement. Barzini. Tattaglia. Moe Greene. Tous.
Montage parallèle magistral de Coppola : les réponses pieuses de Michael alternent avec les meurtres sanglants qu’il a ordonnés.
Ce qu’il ne voit pas : son père tuait quand il y était contraint, pour des raisons « économiques ». Michael, lui, franchit un nouveau cap. Il tue pour se venger et étendre sa domination. Il accepte d’être le parrain de l’enfant de sa soeur Connie et de Carlo (interprété par Gianni Russo). Il le prend sous son aile, lui fait miroiter un rôle important dans la famille pour mieux le garder près de lui. Michael sait déjà que Carlo est le traître. Il sait déjà qu’il va le tuer après la cérémonie. Il prononce des paroles saintes à l’église tout en planifiant un meurtre.
Il ne voit pas qu’il vient de passer un cap qui l’amènera, dans le deuxième opus, à faire exécuter son propre frère Fredo (Immense John Cazale).
Et vous ?
Y a-t-il un moment où vous avez réalisé que vous étiez allé au delà de ce que vous ne vouliez pas être ?
Le piège : une fois l’engrenage lancé, on finit par faire naturellement ce qui nous horrifiait au départ. On ne voit même plus la contradiction. Michael prie à l’église pendant qu’on assassine en son nom sans y voir de contradiction. Il doit penser qu’il n’a pas le choix, que ce sacrilège est un mal nécessaire pour sa survie.
La résonance universelle : Michael ne se rend pas compte qu’il vient de tuer alors que ce n’était pas nécessaire. Il avait d’autres options comme éloigner Carlo. Après avoir passé un cap, bravé un interdit, on ne rend plus compte que d’autres options sont possibles.
Vos premiers choix déterminent les suivants
C’est comme une cellule Excel. Vous écrivez une formule dans la première case. Puis vous tirez la cellule vers le bas. La formule se reproduit. Encore et encore. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Vos premiers choix créent un précédent. Ils définissent qui vous êtes prêt à devenir. Ensuite, chaque nouveau choix s’appuie sur le précédent et c’est plus difficile de revenir en arrière.
Exemple concret :
Vous prenez un premier poste qui ne vous intéresse pas vraiment en vous disant que vous évoluerez en interne. Chaque jour ça ne vous plait pas mais vous faîtes des efforts à devenir pertinent et reconnus dans un domaine qui vous ennuis. Vous devenez Senior puis directeur et bientôt expert de votre domaine. Désormais, vous gagnez bien votre vie, vous avez un réseau et des opportunités dans ce domaine. Vous avez alors tout à perdre à quitter ce domaine pour vous lancer dans une activité plus épanouissante. D’autant que cela fait des années que vous avez pris l’habitude d’accepter l’ennui. Vous avez donc le choix entre risquer de perdre quelque chose qui ne vous rend pas heureux mais que vous avez acquis chèrement et qui est confortable et vous lancer dans une aventure incertaine.
Comment en êtes-vous arrivé là ?
Un choix. Puis un autre. Puis vous n’êtes plus vous.
Comment sortir de l’engrenage ?
Michael Corleone n’en sort jamais, c’est ce qui fait en partie la beauté du film, c’est un personnage tragique. Il ne change pas parce qu’il refuse de voir la vérité. Il se ment à lui-même jusqu’au bout.
La seule façon de sortir de l’engrenage : dire la vérité. À soi-même d’abord.
Où en êtes-vous vraiment ? Quels choix avez-vous faits qui vous ont emmené ailleurs que là où vous vouliez aller ? Quelles lignes avez-vous franchies en vous disant « je n’ai pas le choix » ?
Transformer un film en outil de développement personnel commence par cette honnêteté.
Les questions à se poser
1. Quel premier choix ai-je fait qui a tout changé ?
Identifiez le moment. Le choix qui semblait anodin à l’époque mais qui a défini la trajectoire de votre vie. Peut-être un métier, une relation, un déménagement, un compromis.
2. Qu’est-ce que ce choix m’obligeait à devenir ?
Chaque choix vient avec un coût. Si vous avez choisi ce poste prestigieux, il vous oblige peut-être à devenir dur, compétitif, à sacrifier votre temps. Si vous avez choisi cette relation, elle vous oblige peut-être à taire une partie de vous.
3. Quelles lignes ai-je franchies en me disant « je n’ai pas le choix » ?
Soyez honnête. Où avez-vous rationalisé ? Où vous êtes-vous menti ? Où avez-vous fait quelque chose qui vous aurait horrifié cinq ans plus tôt ?
4. Suis-je en train de devenir ce que je ne voulais pas être ?
La question la plus dure. La plus importante. Regardez-vous dans le miroir. Qui êtes-vous devenu ? Est-ce la personne que vous vouliez être à vingt ans ? À trente ans ?
Vous n’êtes pas obligé de finir comme Michael
Le Parrain ressort en salles à partir du 4 décembre 2024. Si vous ne l’avez jamais vu sur grand écran, c’est l’occasion. Regardez Michael. Observez ses choix. Voyez l’engrenage.
Et posez-vous la question : qu’est-ce que j’ai choisi de ne pas voir jusqu’à présent ?
Si vous sentez que vos choix vous ont emmené ailleurs que là où vous vouliez aller, si vous reconnaissez que vous devenez ce que vous ne vouliez pas être, un accompagnement peut faire toute la différence.
En séance de Ciné-Coaching, nous utilisons le cinéma comme miroir pour identifier vos propres mécanismes. Non pas pour vous juger, mais pour vous aider à reprendre le contrôle de votre trajectoire.
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Pour aller plus loin avec Le Parrain
Cet article est le premier d’une série de trois consacrée au film de Francis Ford Coppola :
- Aujourd’hui : Comment vous êtes-vous retrouvé à ressembler à vos parents malgré vous ?
- Mercredi 27/11 – Cas client : À partir de quand un dirigeant franchit la ligne rouge ?
- Vendredi 29/11 – Analyse vidéo : Qui vous pensez être vs qui vous êtes vraiment : la tragédie de Michael Corleone
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