J’aurais aimé mieux te connaître.
Cette phrase, prononcée par Wladyslaw Szpilman à sa sœur Halina sur le quai de Varsovie, juste avant leur séparation définitive, résume toute une vie de non-dits. Un regret qui surgit au pire moment possible. Ou peut-être au seul moment où il devient enfin impossible de l’ignorer.
Cette scène du film Le Pianiste de Roman Polanski ne raconte pas seulement l’histoire d’une famille juive polonaise pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle révèle un mécanisme universel : pourquoi attendons-nous toujours le « bon moment » pour dire ce que l’on pense, faire la blague qui nous vient en tête, vivre ce qui compte vraiment ?
Le film nous montre le coût du report. Et ce qui se cache derrière les actions jamais concrétisées.
PARTIE 1 : Le mythe du « bon moment »
Avant la scène du quai, il y a Dorota. Elle admire Wladeck en secret depuis longtemps. Elle aurait voulu le rencontrer, partager quelque chose avec lui. Mais elle n’a jamais trouvé le bon moment. Trop de monde, trop d’urgences, trop de complications. De bonnes excuses. Alors elle attend. Elle choisit enfin son jour : elle vient le voir à la radio polonaise. Ce jour-là, elle a décidé que c’était le bon moment. Ce jour-là, la radio est bombardée. Wladyslaw et elle ne font que se croiser. Dorota ne le reverra jamais dans les conditions qu’elle espérait. La rencontre qu’elle espérait n’aura jamais lieu.
Le « bon moment » qu’elle attendait n’est jamais venu. Pire : quand elle a cru qu’il était arrivé, il était déjà trop tard.
Ce mécanisme, vous le connaissez. On se dit : « Je lui parlerai quand ce sera plus calme. » « Je le ferai quand j’aurai plus de temps. » « J’attendrai que la situation soit moins tendue. » On croit qu’il y aura un moment plus approprié, moins chargé, plus serein.
Mais ce moment n’existe jamais.
Le « bon moment » est une illusion. C’est une procrastination déguisée en prudence. Ou plutôt : une peur déguisée en prudence. On ne repousse pas parce qu’on cherche le timing parfait. On repousse parce qu’on a peur. Peur du rejet, peur de l’inconfort, peur de la réaction de l’autre, peur de se tromper.
Alors on attend. Et pendant qu’on attend, la vie continue. Les occasions passent. Les bombes tombent. Les trains partent.
Le cinéma, comme dans cet extrait, révèle vos mécanismes inconscients de déni. Découvrez comment !
Pensez à cette conversation difficile que vous remettez à demain avec un parent, un ami, un collègue. Qu’attendez-vous exactement ? Un signe ? Une garantie que ça se passera bien ? Un moment où vous ne ressentirez plus cette boule au ventre ?
Ce moment n’arrivera jamais. Parce que l’inconfort fait partie de l’acte. Dire ce qui compte, c’est toujours inconfortable. Toujours risqué. Toujours incertain.
Question introspective : Qu’est-ce que vous ressentez à l’intérieur quand vous hésitez ? Qu’est-ce qui est vraiment difficile ? Vous cherchez une excuse ou vous écoutez une peur légitime ?
PARTIE 2 : La routine comme anesthésie
Dans le ghetto de Varsovie, la famille Szpilman vit côte à côte. Ils partagent le même appartement exigu, les mêmes repas rationnés, les mêmes angoisses. Ils sont ensemble tous les jours.
Et pourtant, ils ne se connaissent pas vraiment.
La vie quotidienne, pourtant extrême et extrêmement grave, devient routine. On se croise sans se voir. On est ensemble sans être disponible mentalement et émotionnellement. On remet à plus tard ce qui pourrait être dit maintenant. On connaît tous ces difficultés. Parce qu’on a tout le temps. Parce qu’on se verra demain. Parce que ce n’est pas urgent.
Proximité physique ne signifie pas proximité émotionnelle.
Wladyslaw et sa sœur Halina vivent dans la même pièce pendant des mois. Ils mangent ensemble, dorment dans des lits voisins, subissent ensemble l’horreur du ghetto. Mais ils ne se parlent pas vraiment. Ils ne se racontent pas. Ils ne se demandent pas : « Qui es-tu ? Qu’est-ce qui t’anime ? Qu’est-ce qui te fait peur ? »
La routine les berce dans l’illusion de la permanence; même la permanence de l’horreur. Puisqu’ils sont là tous les jours, ils croient qu’ils auront toujours le temps. La familiarité les dispense de l’effort de vraiment voir l’autre, d’être présent avec lui.
Ce mécanisme dépasse largement le contexte extrême du ghetto. Vous le vivez peut-être dans votre couple, avec vos enfants, avec vos collègues. Vous cohabitez sans vous connaître. Vous partagez un espace, une vie, des années — mais vous ne vous rencontrez jamais vraiment.
Parce que la rencontre demande un effort. Elle demande de sortir de l’automatisme, de poser le téléphone, d’arrêter de penser à autre chose, de vraiment écouter. De vraiment voir.
Le Ciné-Coaching repose sur ce double regard : ce qu’on ressent (le confort de la routine) et ce qu’on ne voit pas (qu’on est en train de passer à côté de quelqu’un).
Vous vivez peut-être avec quelqu’un depuis dix ans. Vous partagez tout. Mais quand avez-vous eu une vraie conversation ? Quand avez-vous vraiment demandé : « Comment tu vas ? Vraiment ? » Et écouté la réponse sans penser à autre chose ?
Question introspective : Avec qui n’avez-vous pas encore vraiment fait la rencontre ?
PARTIE 3 : Le regret comme lucidité tardive
J’aurais aimé mieux te connaître.
Cette phrase arrive sur le quai. Au moment de la séparation. Quand il n’y a plus rien à faire. Quand il est trop tard.
Mais le regret de Wladyslaw n’est pas né à cet instant. Il était là depuis des années. Il était là dans le ghetto, quand ils vivaient côte à côte sans se parler. Il était là avant la guerre, quand il était trop occupé par sa carrière de pianiste. Il était là dans toutes ces occasions manquées, ces conversations esquivées, ces moments où il aurait pu dire quelque chose et ne l’a pas fait.
Le regret ne surgit pas au moment de la séparation. Le désir était là depuis toujours. Mais on ne le voit que quand il n’y a plus de « demain » possible.
La lucidité arrive quand on ne peut plus rien y faire.
Ce mécanisme est universel. Vous le connaissez dans les « si j’avais su » après un décès, une rupture, un départ. « Si j’avais su, je lui aurais dit. » « Si j’avais su, j’aurais pris le temps. » « Si j’avais su, j’aurais fait autrement. »
Mais vous saviez. Au fond, vous saviez. Le désir était là. L’intuition était là. Ce qui manquait, ce n’était pas la conscience, c’était le courage. Le courage d’agir avant qu’il soit trop tard.
Choisir les bons films pour son développement personnel, c’est aussi choisir ceux qui nous forcent à voir ce qu’on fuit. Le Pianiste appartient à cette catégorie. Il ne vous laisse pas vous mentir.
Alors posez-vous cette question : quel regret êtes-vous en train de fabriquer en ce moment même ? Quelle personne dans votre vie mérite que vous arrêtiez de repousser ? Quelle conversation attendez-vous d’avoir ? Quelle relation voudriez-vous approfondir ?
Question introspective : Quel regret ne voulez-vous plus formuler parce qu’il sera trop tard ?
CONCLUSION
Le « bon moment » n’existe pas. La routine anesthésie. Le regret révèle ce qu’on savait déjà.
Le Pianiste ne nous raconte pas une histoire édifiante. Il ne nous dit pas « profitez avant qu’il soit trop tard » comme une morale facile qu’on oublie en sortant de la salle. Il nous montre quelque chose de plus profond et de plus inconfortable : le temps n’est pas votre allié. Il est neutre. Il passe. Et c’est vous qui choisissez de l’habiter ou de le laisser filer.
Voici ce que l’expérience m’a appris : plus on accumule de regrets, plus il est difficile de saisir le moment. Le poids de ce qu’on n’a pas fait nous paralyse. Mais l’inverse est tout aussi vrai : plus on saisit le moment, plus on ose dire et faire ce qui compte, moins on a tendance à laisser filer nos désirs.
C’est un cercle. Vertueux ou vicieux, selon ce que vous en faites.
Mais attention : vous verrez dans la vidéo de jeudi que la vie est cyclique et nous fait parfois des croche-pieds. On ne contrôle pas tout. Parfois, malgré nos efforts, le moment nous échappe. Ce n’est pas une raison pour ne pas essayer.
Alors, une dernière question avant de fermer cet article :
Avec qui remettez-vous à demain ? Qu’attendez-vous pour agir ? Qu’est-ce qui vous empêche vraiment ?
Si cette question résonne en vous, si vous sentez qu’il est temps de regarder en face ce que vous repoussez, prenons 15 minutes pour en parler. Pas pour que je vous donne une solution miracle, mais pour que vous clarifiiez ce qui vous bloque vraiment. Réservez votre appel découverte ici.
À suivre cette semaine :
Mercredi, on verra comment deux associés ont déterminé s’ils avaient encore ou non une histoire à écrire ensemble.
Vendredi, on explorera comment Wladyslaw Szpilman a dépassé ses traumas par ce qui l’anime profondément : l’art.


