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Quelle part de vous, si vous ne la regardez pas, finira par vous dévorer ?

That’s my family, Kate, not me.

Michael Corleone prononce cette phrase au mariage de sa sœur. Il vient de raconter à Kay comment son père a fait placer un revolver sur la tempe d’un producteur. Elle est choquée. Lui, souriant, détâché émotionnellement la rassure : « C’est ma famille. Pas moi. » Il le croit. Sincèrement.

Mais cette phrase est le premier d’une série de mensonges que Michael se raconte. Des mensonges qui, film après film, façonnent sa tragédie.

Dans Le Parrain de Francis Ford Coppola, Michael Corleone se ment trois fois. À chaque fois, son ombre grandit. Jusqu’à tout dévorer.

Cette vidéo explore comment ce que nous refusons de voir finit par nous déterminer. Et comment apprivoiser son ombre, au sens jungien, est la seule façon de faire des choix vraiment libres.

Le Ciné-Coaching : voir ce que le personnage ne voit pas

Le Ciné-Coaching repose sur un double regard :

Regard intérieur : Que ressent le personnage ? (et vous, qu’est-ce que vous ressentez ?) → Objectif : faire grandir sa présence par l’identification au personnage.

Regard extérieur : Qu’est-ce que le personnage ne voit pas ? → Objectif : faire grandir la conscience par le décalage, la prise de recul.

C’est précisément ce décalage — entre ce que Michael croit être et ce qu’il est vraiment — qui fait toute la puissance du Parrain comme outil de développement personnel.

Michael refuse de voir son ombre. Et cette ombre finit par le remplacer.

Premier mensonge : « Je suis différent »

La scène

Au mariage de Connie, Michael (Al Pacino) est en uniforme militaire. Il présente Kay, sa petite amie américaine, protestante, extérieure au monde Corleone. Il lui raconte l’histoire de Luca Brasi — comment son père a obtenu un contrat en menaçant l’agent de Johny Fontane avec un revolver. Kay est choquée. Michael sourit : « That’s my family, Kate, not me. »

Ce qu’il ressent : la dualité

Son désir conscient :

  • Être un américain respectable
  • Être « l’homme bien »
  • Vivre une vie légitime avec Kay, loin de la mafia

Son élan inconscient — son ombre :

  • Protéger l’honneur familial malgré son désir affiché de s’en distancier
  • S’affirmer comme héritier sans le savoir
  • Être comme son père, mais à son époque

Son père, Vito, est passé de rien à Parrain. Michael voudrait passer de fils de parrain à homme d’affaires ou politicien respectable. Faire du nom Corleone un nom respectable comme celui des Kennedy qui ont eux aussi eu des relations étroites avec la mafia.

La dualité est là dès le départ : d’un côté « je suis différent », de l’autre « je veux continuer la lignée à ma manière ». Cette contradiction est son drame.

Ce qu’il ne voit pas : trois angles morts

1. La violence fait partie de lui

Michael croit qu’en se disant « je suis différent », il est protégé de la violence familiale. Mais l’orgueil de croire qu’il est immaculé l’empêche justement de s’en protéger. Ce qu’on refuse de regarder nous gouverne.

2. Il se construit en rébellion

Michael se définit en opposition à sa famille. Donc par rapport à elle. S’il acceptait ce qu’est sa famille et comment elle l’a construit, il pourrait consciemment faire le tri. Garder certaines choses, en rejeter d’autres. Mais il ne s’est jamais vraiment interrogé sur ce que lui voulait. Il voudrait juste faire quelque chose de grand comme son père. En version respectable.

3. Il ne voit pas la limite à ne pas franchir

S’il avait été lucide sur sa dualité, il aurait pu identifier sa ligne rouge. Cette limite au-delà de laquelle il ne serait plus lui-même. Dans l’article de mercredi, j’ai raconté comment un dirigeant, Marc, a identifié sa ligne rouge grâce au Parrain. Lui, contrairement à Michael, a choisi de ne pas la franchir.

Et vous ?

Avez-vous le sentiment de vous être construit en opposition à quelque chose ou quelqu’un ? Qu’est-ce que vous repoussez de vous-même en pensant « ça, ce n’est pas moi » ?

Deuxième mensonge : « Dans 5 ans, tout sera légal »

Le mantra qui devient illusion

Michael répète cette phrase dans les trois films. Mais le ton change au fur et à mesure.

Film 1 : Confiant, déterminé « In five years, the Corleone family will be completely legitimate. »

Il vient de rentrer de son exil en Sicile. Désormais il est en sécurité, il veut reconstruire sa vie. Michael annonce qu’il travaille à présent avec son père MAIS il dit à Kay : dans 5 ans, les activités de la famille Corleone seront toutes légales. Il y croit. C’est son plan pour son avenir et celui de sa famille.

Film 2 : Plus tendu, il doute mais s’accroche

Michael a essayé de faire des affaires légales. Casino à Vegas, immobilier. Mais quand il organise une grande fête au lac Tahoe pour montrer sa respectabilité, faire un généreux don à une oeuvre caritative, un sénateur le méprise en privé. Le traite de gangster. Michael n’a pas les codes WASP. Ni les compétences. Ni le réseau.

Sa réaction ? Violence. Chantage. Menace. Les bonnes vieilles méthodes. Il répète le mantra, mais le ton a changé. Il est plus crispé. Il commence à douter. Mais il s’accroche au mensonge.

Film 3 : Désespéré, amer

Just when I thought I was out, they pull me back in. Réplique mythique.

Michael est vieux. Fatigué. Il a essayé pendant des décennies de sortir de cet engrenage, d’être dans le cadre de la loi. Le mensonge s’effondre. Il sait qu’il ne sera jamais un boy scoot, un américain respectable. C’était une illusion.

Ce qu’il ressent : la lutte

Son désir conscient :

  • La normalité
  • L’acceptation sociale
  • Le blanchiment moral du nom Corleone

Et la beauté de ce personnage, son humanité malgré sa cruauté, c’est qu’il lutte vraiment. Ce n’est pas un mensonge cynique. Il essaie vraiment. Il se dit : « Si je commets des crimes aujourd’hui, mais que j’assure la respectabilité de ma famille demain, alors j’aurai bien succédé à mon père. »

Son élan inconscient — son ombre :

  • Instrumentaliser le futur pour masquer le présent
  • Se raconter une histoire pour justifier ses actes

Le problème ? Cette aspiration l’empêche de voir dans le présent. Notamment la violence inconsciente qui lui a été transmise. Ses actions n’amènent pas la famille vers la légalité. Elles l’enfoncent.

Ce qu’il ne voit pas : le futur comme alibi

1. Le futur promis est un alibi moral

« Dans 5 ans, tout sera légal. Donc aujourd’hui, je peux faire ce que je veux. » C’est une justification. Un mensonge qu’on se raconte pour ne pas voir ce qu’on fait vraiment.

2. Il confond apparence et réalité

Michael croit que s’il a l’air respectable, il est respectable. Que le rôle qu’il joue, c’est lui. Mais ce n’est qu’une façade.

3. Il ne fait jamais ce qu’il faudrait vraiment faire

Pour devenir légitime, il faudrait abandonner la violence, les gardes du corps, les hommes de main. Construire par l’influence, l’intelligence économique. Michael ne le fait jamais.

Et vous ?

Est-ce que vous vous racontez une histoire sur votre futur pour justifier votre présent ?

« Quand j’aurai assez d’argent, je changerai. » « Quand les enfants seront grands, je ferai ce que j’aime. » « Quand je serai à la retraite je voyagerai, j’apprendrai le piano. »

On devient la personne qu’on désire être en commençant à se comporter comme elle le ferait. Pas demain. Aujourd’hui. Tout de suite.

Troisième mensonge : « Je protège ma famille »

La mort de Mary

Dans Le Parrain 3, Michael est sur les marches de l’opéra. Il a presque réussi. Les affaires sont presque légitimes. Vatican, immobilier, grandes transactions. Il fait des affaires au plus haut niveau, de la philanthropie aussi. Mais il n’a jamais vraiment pu se libérer de ses chaînes. « They pull me back in. »

Alors il se dit : ce que je n’ai pas réussi, ma fille le fera. Mary sera le passeur. Celle qui créera les conditions d’une vraie légalité des activités de la famille Corleone. Un coup de feu vise Michael. Mary est touchée à sa place. Elle tombe. Michael la rattrape. Son cri silencieux — bouche ouverte, aucun son — est l’une des scènes les plus iconiques du cinéma.

Ce qu’il ressent : l’effondrement

Son désir conscient :

  • Que Mary réussisse là où il a échoué
  • Que le nom Corleone devienne enfin respectable

Son élan inconscient — son ombre :

  • Préserver l’image à tout prix
  • S’éloigner de ses émotions pour ne pas sentir l’échec
  • Être la marque Corleone à céder à sa fille

Ce qu’il ne voit pas : sa fille a hérité de son ombre

1. Mary est attirée par le danger

Elle tombe amoureuse de Vincent, son cousin, le nouveau parrain. Elle n’a pas plus que Michael les codes ou le désir réel de devenir respectable au-delà des apparences. Elle a hérité de son ombre.

2. La vengeance ne s’arrête jamais

Michael croyait pouvoir se protéger. Contrôler. Tout maîtriser. Mais quand on le vise lui, et c’est sa fille qui meurt. Ceux qui ont voulu le tuer ont tué la personne qu’il aimait le plus. Et son espoir d’un avenir meilleur.

3. Michael s’est condamné par ses propres actions

Le meurtre de Fredo, son propre frère. La violence. Les mensonges. Tout ça amène à ce moment. La mort de sa fille.

Michael meurt seul

Des années plus tard. Michael est vieux, seul dans un jardin. Il tombe de sa chaise. Une orange sicilienne roule par terre. L’orange, dans toute la trilogie, symbolise la mort ou la violence imminente. Conséquence de la vendetta sicilienne. Personne n’est là. Silence total.

Son père, Vito, est mort entouré de son petit-fils, en jouant dans son jardin. Avec amour. Avec ses proches et sa famille. Michael meurt seul. L’ombre a tout dévoré. Il ne reste rien. Ni famille. Ni respect. Ni légitimité. Juste un vieil homme vide qui s’effondre.

La leçon universelle

Notre ombre nous revient toujours en boomerang quand on ne la regarde pas en face.

Un exemple simple : les parents qui disent à leurs enfants comment il faut se comporter, tout en se comportant autrement. À votre avis, quel comportement adoptent les enfants ?

Ce que vous refusez de voir finira par vous gouverner. Et par tout dévorer.

Apprivoiser son ombre : la seule issue

Michael s’est menti trois fois :

  1. « Je suis différent » → Non. La violence fait partie de toi.
  2. « Dans 5 ans, je serai légitime » → Non. Tu t’enfonces à chaque action.
  3. « Je protège ma famille » → Non. Tu la détruis.

À chaque fois, il refuse de voir son ombre. Sa violence. Son orgueil. Son besoin de pouvoir. Et à chaque fois, cette ombre grandit. Jusqu’à tout dévorer.

La voie jungienne

Carl Jung et Marie-Louise von Franz ont développé le concept d’ombre en psychologie analytique. L’ombre, c’est la partie de nous que nous refusons de voir. Nos pulsions, nos défauts, nos désirs inavouables.

Apprivoiser son ombre, ce n’est pas la nier. C’est la regarder en face.

Accepter que vous avez une part de violence. D’orgueil. De désir de pouvoir. De manipulation. Et choisir consciemment ce que vous en faites. Michael a refusé. Il a fini seul, vide, détruit. Vous pouvez en décider autrement.

Mon ombre à moi

Moi aussi, j’ai une part d’ombre. J’ai besoin des autres. Besoin que vous aimiez ce que je crée. Besoin d’accompagner les gens pour me sentir utile. Pour que ma vie ait du sens. Alors que le simple fait d’être en vie a déjà du sens. De profiter de tout ce que la vie nous offre de merveilleux. D’être vivant, tout simplement. Mais j’ai besoin de cette reconnaissance. C’est mon ombre. Pardon, une partie de mon ombre.

La différence ? Je la regarde en face. Je la connais. Et je peux choisir consciemment ce que j’en fais.

Les trois questions à se poser

Lundi, dans l’article sur l’engrenage, nous avons vu comment les mauvais choix de Michael l’ont éloigné de ce qu’il voulait devenir.

Mercredi, dans l’article sur Marc, nous avons vu comment un dirigeant a identifié sa ligne rouge grâce au Parrain.

Aujourd’hui, nous avons vu comment en se mentant à lui-même, Michael ne s’est pas donné la possibilité de faire les bons choix.

Maintenant, c’est à vous.

Prenez le temps de réfléchir à ces trois questions :

1. Quelle part de vous refusez-vous de voir ?

Qu’est-ce que vous repoussez en pensant « ça, ce n’est pas moi » ? Votre colère ? Votre besoin de contrôle ? Votre jalousie ? Votre orgueil ?

2. Quel mensonge vous racontez-vous sur votre futur ?

« Quand j’aurai X, je ferai Y. » « Dans 5 ans, je serai différent. » Comme Michael ?

3. Qu’est-ce que vous risquez de perdre si vous continuez ?

Si vous continuez de refuser de voir votre ombre, qu’est-ce qui va se passer ? Qui allez-vous perdre ? Qui allez-vous devenir ?

Le Parrain en salles : une occasion de se regarder en face

Le Parrain ressort en salles à partir du 4 décembre 2024. Si vous ne l’avez jamais vu sur grand écran, c’est l’occasion. Regardez Michael. Observez son parcours. Ses mensonges. Son ombre qui grandit.

Et posez-vous la question : où en suis-je sur mon propre chemin ?

N’oubliez pas que Bien choisir ses films offre un puissant miroir de soi. C’est un premier pas. Mais la vraie transformation demande du courage. Le courage de regarder son ombre en face.

Besoin d’un accompagnement pour apprivoiser votre ombre ?

Si vous sentez que vous vous mentez à vous-même, que vous vous racontez des histoires pour justifier vos actions, qu’une part de vous grandit dans l’ombre… Un accompagnement peut vous aider à regarder cette ombre en face. À la nommer. À choisir consciemment ce que vous en faites.

En séance de Ciné-Coaching, nous utilisons le cinéma comme révélateur de vos angles morts. Non pas pour vous juger, mais pour vous aider à faire des choix vraiment libres.

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